L’intelligence artificielle ou ChatGPT fait ce qu'il peut...

18.03.2024

Il est à l'ordre du jour de s'interroger sur l'intelligence artificielle qui gagne de nombreux champs où elle s'avère particulièrement efficace. On en entend parler un peu partout dans la presse, les médias, l'école, l'université, pour la glorifier ou la décrier. Mais c'est dans le domaine des arts en général et de la littérature en particulier, surtout celui de la poésie, que l'intelligence artificielle pose problème ou tout au moins invite à réfléchir.

Car que devient le poète si le numérique est tout à coup capable de sortir un poème tout frais émoulu de ses arcanes ? Un texte qui apparaît comme par miracle sur l'écran après que l'application a reçu vos desiderata…Il est là devant vous tout frais, tout lisse, tout beau et, contrairement à vos habitudes, il ne vous a pas causé beaucoup d'efforts : « accouchement sans douleur » serait-on tenté de dire…Alors, si cette expérience se multiplie à l'infini, si les « poètes » n'ont plus qu'à appuyer sur les touches d'un clavier pour construire de l'écriture automatique de textes - dont de soi-disant « poèmes » - qui n'a même plus l'excuse de venir des profondeurs de notre inconscient, qu'en est-il de la vraie création ? Certains auteurs vivent cela comme un véritable drame : ces textes à la demande signeraient le glas de la littérature.

Certes, le danger est réel et il sera peut-être plus difficile, dans l'avenir, de trier le bon grain de l'ivraie, de la même façon qu'il est difficile aujourd'hui à un professeur de lettres, de toujours reconnaître ce qu'un élève a mis en copié/collé dans une dissertation ! On peut imaginer beaucoup de confusion de la part des lecteurs, des éditeurs et même des critiques littéraires ou artistiques au moment d'apprécier une œuvre et de décoder sa provenance : vient-elle d'un véritable créateur ou du travail d'un algorithme ? Mais, comme dans toute nouveauté d'envergure, il ne faut pas se laisser envahir par le pessimisme et considérer que, de toute façon, le mal, - si mal il y a ! – est déjà fait et que nous avons à avancer avec lui car, dans l'actualité, ce genre de productions se multiplient et font l'objet de nombreuses publications - surtout en extrême orient -, de programmes télévisés, d'expositions quand il s'agit d'autres arts.

Alors, consciente des enjeux proposés à un auteur qui simplement veut suivre le courant sans condamner le modernisme, même s'il a ses risques, voici ma modeste et courte expérience en intelligence artificielle.

J'utilise ChatGPT et lui demande tout d'abord un sonnet classique sur la guerre d'Ukraine, inspiré de du Bellay. Quelques secondes plus tard, j'obtiens bien un sonnet avec ses quatrains et ses tercets sans rimes riches avec consonne d'appui, mais cela c'était normal chez du Bellay dont les sonnets n'étaient pas toujours réguliers: par contre, faire rimer le singulier avec le pluriel est une liberté que ne prenais pas le poète même si il fait rimer « ( je) vois » avec « Roi » dans « Quand je vois ces Messieurs… » ! plus graves, d'autres fautes de prosodie comme des « e » muets à l'hémistiche suivis d'une consonne ou des alexandrins de onze pieds :

« Les cris des innocents, les pleurs des cercueils »

J'essaie ensuite avec un poète très contemporain que j'aime beaucoup, en proposant quelques lignes à la façon de sa prose poétique. Bien sûr elles apparaissent aussitôt, bien compactes mais je reconnais tout de suite qu'il s'agit d'une sorte de compendium de quatrièmes de couvertures ou de préfaces du genre : « l'esprit fertile de Patrice Dufétel »… « Sous sa plume, le temps s'étire… » « Patrice Dufétel est un voyageur des mots… », cette dernière expression étant la seule se rapprochant tant soit peu de la remarquable prose poétique de cet auteur.

Et puis enfin, par curiosité, je suggère à ChatGPT quelques vers à la façon de Marie - Thérèse Bitaine de la Fuente (c'est-à-dire moi !) dans Vert enfance, mon livre de poèmes publié par 

La Nouvelle Pléiade fin 2022. Voici ce que j'obtiens :

« Dans le jardin secret de mes souvenirs

L'enfance s'épanouit comme un doux zéphyr.

Les rires cristallins, les jeux insouciants,

Emplissent mon cœur d'un bonheur apaisant.

Les jours étaient teintés de vert, couleur d'espoir,

Où l'innocence voguait sans aucun égare. (sic)

Les pas légers, dans l'herbe fraîche, gambadaient…

(…)

L'enfance s'épanouissait, fragile et sacrée.

Aujourd'hui, dans le rétroviseur du temps,

Je contemple avec émoi ces instants troublants

Le vert de l'enfance vibre encore en mon sein… »

Je suis rassurée : pour l'instant ChatGPT ne me fait pas concurrence ! Abondance des clichés, déjà remarquée dans les extraits précédents, vers bancales, image laide comme celle du rétroviseur mais surtout inadéquation du sujet car il s'agissait de capter le vécu singulier d'enfants en particulier et non de généralités sur l'enfance !

Il faut donc prendre cet outil, non pas comme la solution facile de l'écriture, cela c'est sans doute valable dans d'autres domaines comme les sciences, l'économie, l'administration, mais en art il faut le prendre avec des pincettes : comme l'ordinateur a permis à l'écrivain de gagner du temps, l'intelligence artificielle peut aussi le lui en faire gagner dans ses recherches, remplaçant à grande vitesse les dictionnaires, les lexiques, les encyclopédies, Wikipédia, soient les informations historiques ou d'actualité ; il peut aussi lui concocter quelque chose de valable ou même de très réussi pourquoi pas : cela dépendra de l'habilité des questions posées par le demandeur et de sa chance !

En définitive ce qui reste au poète, c'est quelque chose de fondamental dans l'art : le choix. C'est à lui de juger si les vers ou la prose sont réussis, s'ils détiennent ce plus, cet inattendu, cet écart qu'exige toute vraie poésie, ChatGPT, lui, fait ce qu'il peut…

Marie-Thérèse BITAINE DE LA FUENTE En attente de publication

Marie-Thérèse Bitaine de la Fuente -écrivain-
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